Analyses de modèles économiques de tiers-lieux
- Réflexions, analyses et entretiens avec des acteurs des tiers-lieux sur leur modèle économique.
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- Thème : Economique, Animation
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- Mots clefs: Modèle économique, Animation
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- Défi auquel répond le document :Mutualiser les ressources humaines au sein de plusieurs tiers-lieux
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- Maturité: Démarré
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- Date de création : 2021/07/19
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- Auteurs: Alice Leblanc
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- Organisme: La Compagnie des Tiers-Lieux
Intention, origine de la proposition et méthodologie
Dans le cadre de mon stage de fin d’études chez les Saprophytes, l’une des missions qui m’a été attribuée était celle de repenser ou du moins étudier le modèle économique de leur tiers-lieu d’implantation, la Chaufferie. Après avoir compris le modèle actuel du lieu, j’ai élaboré une liste de tiers-lieux à contacter afin de mener une analyse comparative et formuler des idées pour équilibrer le modèle de fonctionnement de la Chaufferie.
En me documentant sur les modèles économiques des tiers-lieux (qui, soit dit au passage, sont tous tellement différents qu'il semble difficil de se documenter sur ça), je me suis dit qu’avant de commencer, il serait intéressant d’étudier les besoins des acteur.ices du territoire : les habitant.es et les structures de l’ESS. Ainsi, avec ma collègue @Garance, en service civique, un questionnaire a été développé et nous avons fait du porte à porte pour rencontrer les voisin.es de la Chaufferie, faire connaître le lieu et découvrir leurs envies pour le quartier. Quelques voisin.es soulèvent le manque d’animation, de musique, de lieux d’exposition dans le quartier. D’autres proposent de faire des apéro en musique les dimanche, des cantines, des livres à prix libre et/ou en don à la Chaufferie.
Calqué sur le guide d’entretien des habitant.es, j’ai rédigé un questionnaire destiné aux structures voisin.es de la Chaufferie, et je suis allé voir quelques lieux de Hellemmes et Fives afin de leur poser les questions et de leur laisser le fascicule de la Chaufferie nouvellement créé (voir le site des Sapros).
Petit rappel intéressant:
Création de valeur | Distribution de la valeur | Capture de la valeur | Quels sont mes coûts? |
Quelle est la valeur que je créé? (matérielle ou immatériel)
→ Configuration sociale Définition/proposition/Publics cibles →Configuration physique Statuts,parties prenantes, territoire → Quel projet politique? |
Comment je la rend disponible pour mes bénéficiaires?
Exemple de services: Bibliothèque, ressourcerie, restauration, espace de stockage, médiation numérique, bar/café, offre artistique et culturelle... |
Commentje me rémunère?
-Offre de produits, services ou solutions payantes:vente de produit ou service, location d’un lieu ou de matériel... -Subventions -Dons privés |
Local,électricité, eau, mobilier, internet, café, imprimante,salaires, programmation... |
Questionnements et problématiques
La Chaufferie est une propriété de la SCOP les Saprophytes et est gérée par l’association les Sapros. Au premier étage, deux associations culturelles louent des bureaux, ce qui permet de rembourser le prêt d’achat du lieu. Il y a tout de même des charges fixes à payer relatives au tiers-lieu (électricité/eau/chauffage, ménage, achat de livres…) puis des charges qui dans ce cas sont variables (salaires et programmation). Aujourd’hui, la Chaufferie a une personne en service civique qui s’occupe de l’animation du lieu. Mis à part les subventions destinées au lieu, il est possible de gagner de l’argent avec : les adhésions de association, de la location du rez-de-chaussée, les événements - si payants, le bar/restauration pendant les événements…
Ce qui est donc ajustable sont les charges ‘’variables’’ :
- question des salaires : embauche durable? Service civique ? Modèle bénévole ?
- programmation: animer le lieu ? Organiser des événements ponctuels ou récurrents ?
La question ici est de savoir si c’est possible d’équilibrer le modèle de fonctionnement tout en embauchant quelqu’un.e qui pourrait faire la communication, l’organisation d’événements et faire vivre le lieu.
Un sujet politique pour le collectif
Le sujet m’est vite paru d’ordre politique pour le collectif.
Le choix entre d’une part un modèle davantage capitaliste, où il faudrait beaucoup démarcher pour faire suffisamment de location (notamment à de grosses boites), avec du team-building, permettrait d’embaucher quelqu’un.e plus facilement.
Cependant, et de façon plus réaliste, le collectif est anti-capitaliste et ne souhaite pas, du moins dans son unanimité, faire du team-building, ni uniquement louer le lieu à des grandes entreprises.
L’on se rapprocherait alors d’un modèle bénévole, où les adhérent.es de l’association peuvent organiser des événements, et une forme de rétribution contributive se met en place, avec la promotion des communs, ce qui reviendrait à fonctionner par projet (subvention).
L’entre deux serait un modèle hybride, qui est proche du modèle existant : une personne en service civique qui anime le lieu pour qu’il soit vivant, sans embauche durable, avec des locations occasionnelles.
Pour en savoir plus sur la Gouvernance
Résultats de l’étude
Retours d’expérience sur les modèles économiques
J’ai échangé avec des tiers-lieux plus ou moins similaires sur le territoire autour de Lille et Hellemmes. Une quarantaine de mails ont été envoyés, j’ai eu quelques retours écrits, d’autres par téléphone. Détail : ils ne sont pas tous ERP, ça a l’air plutôt mitigé.
Quelques structures, soit par leur ouverture récente soit par la crise du Covid, n’ont pas pu partager beaucoup de chiffres.
D’autres signalent que la location seule ne permet pas d’équilibrer le modèle économique, et que d’autres activités sont nécessaires : coworking, restauration/bar, location de bureaux privés, ateliers et visites d’expo...
Beaucoup de tiers-lieux qui avaient une activité de location forte la semaine ou bien une autre activité type coworking/restauration préfèrent garder un modèle de réciprocité/prix libre/gratuit/contre-consommation pour les structures non-lucratives.
Des exemples de modèle d’adhésion dirigé aux entreprises:
- Exemple 1: l'offre d'adhésion à 1000€ entreprise permet de privatiser l'ensemble du lieu sur - une journée + soirée, - ou 2 1/2 journées + une soirée, - ou encore 3 1/2 journées. Le tout peut se faire sur des dates différentes.
- Exemple 2: adhésion annuelle à l’association permet aux collectivités (350 euros) ou aux entreprises (1000 euros) d’emprunter des oeuvres.
Curiosité sur les échanges: un des lieux accueillait les AG d'une association qui faisait des achats groupés d'orange → étaient payés en oranges !
Exemples d'hybridation des sources de revenus
Animateur.ice volant.e
Dispositif dans la Drôme --> entretien avec la coordinatrice de Cédille (réseau informel et historique de tiers-lieux) et salariée du Moulin digital. Un appel à projet a été lancé, afin de sélectionner des tiers-lieux et leur mettre à disposition des demandeur.euses d’emploi qui s’intéressent à l’animation de lieu. Cette convention de mise à disposition représente pour l’association une contribution aux frais d’environ 200 euros par mois. Le Moulin digital est l’association qui porte le projet, accompagne la transition digitale, a été créée et est financée par des collectivités. Iels recrutent avec Pôle Emploi les demandeur.euses d’emploi et Cédille les forme au rôle d’animation. Le financement de ce dispositif vient du FSE, de la Direccte, de Pôle Emploi et du Département (choix entre les aides sociales type RSA ou ce projet est facile à faire). Le contrat signé est un contrat PEC, CDD de 12 mois au SMIC horaire pour 26h/semaine. Les personnes signent ce contrat directement avec le Moulin digital, et 100 % du financement qu’iels reçoivent est utilisé pour payer les salaires. Des contrats de complément étaient souvent passés entre le tiers-lieu et l’animateur.ice afin d’atteindre un plein-temps. Beaucoup de personnes ont été embauchées à l’issue du contrat PEC.
Mutualisation
Il serait possible de mutualiser une personne pour des missions (exemple : communication, accueil, animation) entre plusieurs tiers-lieux : un tiers-lieu se tient responsable d’embaucher l’animateur.ice, et des conventions de mise à disposition peuvent être faites afin de mutualiser les compétences de la personne.
Dans ce cas de mutualisation, ou même sans ça, il est nécessaire de creuser sur le poste/ la personne → free-lance ? Personne qui fait aussi des ateliers? Personne en free-lance quand événement, sinon autogéré ? Service civique ? Mi-temps contractuel ?
Difficultés rencontrées
Pour les recherches, la difficulté rencontrée est que les tiers-lieux sont tous très différents, c’est un mot qui regroupe une multitude de modèles et c’est aussi ce qui fait sa richesse. Le phénomène d’hybridation des ressources n’est pas répandu depuis assez de temps pour que le recul permette de l’analyser. C’est mon impression.
Je pense qu’il est primordial aussi d’être réaliste et honnête : les deux modèles (capitaliste et bénévole) ont des inconvénients, il convient davantage de mener un modèle hybride. Il convient aussi de s’accorder sur quelle voie de développement le collectif veut se placer pour ensuite évoluer dans ce sens de façon concrète.
De plus, il semble difficile d'équilibrer le modèle économique de tiers-lieux, il faut savoir être innovant.e, tant dans les activités proposées que dans les manières de faire (exemple du salariat via un dispositif de mutualisation décrit ci-dessus).